karin haumont

narcissique l'artiste ?

Karin HAUMONT

Pourquoi l’activité artistique est-elle source de plaisir et de progression par l’auteur et l’admirateur?
Une oeuvre donne à voir le monde d’une autre manière, elle révèle ainsi l’ambiguïté de notre existance et de notre relation au monde. C’est une unité du sensible qui nous permet d’ajouter un autre sens à notre vie. Elle a une fonction sociale car elle concentre les désirs de l’artiste et ceux de celui qui la regarde.

Plus précisément, l’abstraction permet à ce dernier d’exprimer non seulement des sentiments ressentis mais aussi ses pulsions les plus secrètes, celles qui échappent à sa conscience, par les oeuvres qu’il crée et ses oeuvres ont un effet puissant sur ceux qui lui sont étrangers et qui ignorent la source de leurs émotions.
Pour qu’il y ait plaisir, il faut qu’il y ait chez l’amateur à la fois reconnaissance et méconnaissance («ça me parle» – «je ne sais pas à quelle partie de moi ça s’adresse mais je l’accepte et me l’approprie»).
Le plaisir de l’art retrouve donc avec l’abstraction toute sa compexité, née pendant des siècles par les défenseurs de l’esthétisme pur.
L’artiste a quelque chose d’intime à montrer, à lâcher, l’autre est en quête d’un écho à sa propre intériorité.

Narcissique l’artiste ?

Bien sur, il y a une part de cette insupportable recherche d’être le centre du monde de l’art, d’être l’unique objet du regard admiratif…mais c’est surtout l’entretien de cette croyance infantile dans la toute puissance créatrice et contaminante qui allie paternité et éternité.
Et c’est ça qui attire l’amateur, le regardeur, l’admirateur, l’acquereur, le collectionneur…parce qu’il partage avec l’artiste la même nostalgie de ce paradis perdu de l’enfance où tout était possible, où tout était universel et où tout était éternel et cela sans paroles, sans connaissances mais avec du sensible.

Voilà où le désir de l’artiste se confond avec celui qui regarde.

Voilà pourquoi on parle de « création » de « paternité » quand on « commet » une oeuvre.

Voilà qui explique l’attirance vertigineuse ou le recul immédiat devant certaines oeuvres.